A deux pas de la Salle Pleyel, et et de l’hôtel Royal Monceau, Louis Duquesne a ouvert, en 2014, une cave bien singulière, qui vient tout récemment de prendre le nom de Vintage & Cie. Située dans les anciennes caves du Taillevent, la boutique, élégante et chaleureuse avec ses teintes noires et bois clair, est un très bel écrin qui renferme des bouteilles rares. Rares, elles le sont principalement par leur âge -le millésime le plus ancien actuellement en cave est de 1865- mais aussi par la confidentialité de leur production- le Domaine Mee Godard en Beaujolais pour n’en citer qu’un.
Ici on est loin de la mouvance des vins naturels, Louis Duquesne n’aime pas ça, et l’offre consiste principalement en vins issus de la culture conventionnelle mais ce sont des vins de prestige. Louis Duquesne s’est découvert une passion pour les vins anciens en dégustant un Château Latour 1945 lors d’un dîner entre amis œnophiles, et cherche depuis à partager sa passion.
Sa clientèle, moitié française moitié étrangère, est faite de connaisseurs, à qui il propose des services exclusifs avec un salon de dégustation privatisable et une cave de stockage. On ne peut pas nier que ce soit élitiste et on n’entre pas chez lui comme on entrerait chez Nicolas -si tant est qu’on entre chez Nicolas, mais c’est un autre débat. Pourtant Louis cherche avant tout à démythifier ces vins prestigieux ou confidentiels, et à les rendre plus accessibles. Au sens figuré mais surtout au sens propre, car jusque là, les millésimes anciens n’avaient pas pignon sur rue.
Dans la cave, les étiquettes prestigieuses et les châteaux valsent Lafite-Rothschild, Petrus, Cheval Blanc, Yquem, Mouton Rotschild, Haut-Brion, Clos Vougeot Le Grand Maupertuis, Corton Charlemagne du Domaine Coche Dury, La Tâche du Domaine Romanée Conti…. Les millésimes aussi : 1975, 1948, 1990, 1982, 1928… Quelque-uns sont centenaires voire plus. Collectionnées avec minutie, tracées, authentifiées par leur château d’origine et parfois même analysées en laboratoire, ces bouteilles exceptionnelles voient leur prix caracoler et certaines bouteilles peuvent atteindre 20 000€. Si Louis Duquesne ne devait garder qu’une seule de ces bouteilles, « ça serait le Château Montrose 1890 », qu’il a fait authentifier et qui « est un vin sublime, comme leur cuvée 1990 par ailleurs ! »
On est d’accord que tout cela risquerait de nous faire tourner les talons, la carte bleue toute crispée dans le portefeuille, si ce n’est que l’offre commence à 15 ou 20€, avec la même exigence de sélection. Alors certes, à ce prix-là, on ne ressort pas un millésime d’avant guerre, mais on trouve un superbe Pic Saint Loup, ou un joli Côtes du Rhône. Et pour moins de 100€ on peut se promener dans de très beaux Bourgogne, Bordeaux ou Côte-Rôtie.
Pas de vin nature donc mais tout de même quelques raretés en biodynamie, pour qui ce n’est pas un argument marketing, mais une simple manière de travailler. C’est le cas des vins du Domaine Zelige-Caravent en Languedoc ou de ceux de Thibault Leger-Belair en Bourgogne. Notamment de son Moulin à Vent, en Beaujolais, « Les Rouchaux » 2014 que j’ai eu la chance de déguster, dans le petit salon, au sous-sol de la cave. Il s’agit d’un des rares vignobles franc-de pied* que l’on peut encore trouver en France. Les parcelles de Moulin à Vent de Liger-Belair ont été converties dès leur achat par le Bourguignon en culture biologique et en biodynamie. Et les raisins y sont vinifiés comme en Bourgogne, en identifiant les parcelles en fonction des sols. Les explications sont de Pablo Huarte, œnologue multi-casquette responsable de la cave, qui connaît l’histoire de chaque bouteille.
Chaque jeudi, la cave se transforme en salon de dégustation et l’on peut découvrir ces pépites plus abordables. Vintage & Cie est donc une très belle adresse pour les découvertes et les grandes occasions.
Vintage & Cie
199 Rue du Faubourg Saint Honoré
75008 Paris
www.vintageandcie.com
* Franc de pied ou pied franc se dit d’un pied de vigne lorsqu’il n’a pas été greffé. Depuis la fin du XIXe siècle et sa terrible épidémie du phylloxéra (un minuscule puceron qui s’attaque aux racines des vignes), presque tous les cépages français sont greffés sur des pieds de vigne d’une variété originaire d’Amérique du Nord, immunisée contre ce parasite. Dans les années 90, certains vignerons se sont demandés si cela modifiait l’authenticité de leur vin et, cette mesure ayant été généralisée, si certains cépages, sols ou terroirs pouvaient être épagnés par le phylloxéra, à l’instar du Chili. Ils ont alors tenté de replanter certains cépages sans porte-greffe. En Touraine, l’expérience fut un succès avec le Gamay chez Henri Marionnet puis le Cabernet Franc chez Charles Joguet, qui constatèrent alors plus de mordant et des arômes plus directs dans leurs vins. Même résultat avec le Sauvignon et le Cot. Depuis d’autres terroirs s’y sont mis, mais cette pratique reste très rare sur le territoire français où le phyloxera se sent comme chez lui.