Boucher, Boucherie, Gilles Huet, Quiberon, Morbihan, viande

Gilles Huet, Boucher à Quiberon

Gilles Huet est boucher à Quiberon depuis plus de 30 ans, profession qu’il exerce par vocation, par amour de la bonne viande. Il a vu le métier et la clientèle changer. Rencontre.

Quand et comment avez vous décidé de devenir boucher ?

Je viens d’une famille d’agriculteurs. J’ai décidé de quitter l’école et de devenir boucher à l’âge de 14 ans, par amour du métier, c’était en 1966. Mon patron d’apprentissage habitait le même village en Touraine, c’est comme ça que tout a commencé.

Boucher, Boucherie, Gilles Huet, Quiberon, Morbihan, viande

Quel est votre parcours ?

J’ai fait 3 ans d’apprentissage, à Tours, puis j’ai passé mon CAP et mon examen de fin d’apprentissage, il y avait 2 examens à l’époque. J’ai été reçu 2e sur 70 du département d’Indre et Loire. Le Syndicat de la Boucherie m’a payé un stage à l’École Nationale des métiers de la Viande à Paris (EPB). C’est là qu’’a commencé ma vie parisienne. Ma première place était rue St Placide, puis j’ai enchainé les postes d’ouvrier. A l’époque, on commençait ouvrier, et on montait en grade selon les places qu’on occupait. J’ai du faire une trentaine de maisons dans Paris, avant de faire les marchés en banlieue parisienne. L’été je faisais les saisons, j’allais à Quiberon, en Vendée, un peu partout sur la Côte Atlantique, au gré des places. Le travail ne manquait pas à l’époque. Il suffisait d’ouvrir France Soir, de regarder les annonces, de passer un coup de téléphone et on commençait le lendemain. On était payés à la semaine, et on était nourri et logé. C’était un avantage indéniable, surtout à Paris.

 

Quand vous êtes vous décidé à rester à Quiberon ?

A l’âge de 27 ans. En 1976 le patron de la boucherie où je faisais les saisons m’a demandé de rester à l’année. Ça ne me tentait pas trop, mais j’ai rencontré ma femme, donc j’ai décidé de rester, d’autant plus que je savais qu’il n’allait pas rester très longtemps. Quand on a fait beaucoup de maisons, on a souvent envie de s’installer. On a envie de puiser dans ce que l’on a appris à droite et à gauche et de le mettre en pratique. Enfin, c’est ce que j’ai fait en 1979, où j’ai racheté le fond de commerce. Je n’ai pas bougé depuis.

Comment voyez vous votre métier ? En quoi ça consiste d’être un bon boucher ?

Être un bon boucher, ça consiste à choisir une qualité de viande irréprochable, et c’est plus difficile aujourd’hui que dans les années 70. Les gens sont plus exigeants. Il faut donc proposer le summum de la qualité. Il faut toujours se remettre en question, parce que la boucherie évolue. Quand j’ai acheté à Quiberon, on était 7 bouchers. Aujourd’hui on est 2, l’autre ayant surtout développé son service traiteur, on peut presque dire que je suis le dernier. Et c’est pareil partout. Mais à Quiberon, on ne peut pas accuser les supermarchés… Il n’y en a pas vraiment sur la Presqu’ile, il faut aller jusqu’à Auray. Les gens ont changé leurs habitudes alimentaires. Il y a le monde du plat préparé d’une part, et le fait que les gens mangent moins de viande d’autre part. Et en mangeant moins de viande, ils font plus attention à sa qualité, c’est normal. Quand j’ai commencé, on vendait les bêtes entières, aujourd’hui on a beaucoup plus de mal à vendre les bas morceaux. On a beaucoup de pertes, donc les prix augmentent. Les gens cuisinent moins de pots au feu, de daubes, ou de bourguignons, ils ne réclament que de la viande à griller… C’est plus rapide à préparer, et plus noble.

Comment faites-vous pour sélectionner les bonnes viandes/de bons éleveurs ?

C’est compliqué de travailler directement avec les éleveurs, ça prends du temps, ou alors il faut une plus grosse structure que la mienne. Dans le département (Morbihan), et même dans toute la Bretagne, il s’est formé un groupe d’éleveurs, qui ne fait que du label en charolaise, en limousine, ou en blonde d’Aquitaine. Moi j’ai choisi de travailler la Blonde d’Aquitaine. Ils ont acheté un abattoir et se sont à associer à un revendeur, qui distribue tous les bouchers de la région qui ont choisi cette manière de travailler. L’avantage de travailler avec les labels, c’est qu’on est sur de la qualité que l’on obtient. Leur cahier des charges est très précis. Une bonne partie de ces éleveurs faisaient de la volaille et se sont reconvertis. Ils ont pris ce qu’on appelle des souches dans le Sud Ouest , comme l’indique le nom de la Blonde d’Aquitaine; et l’ont introduit en Bretagne. Et ça marche très bien.

Quelle est la différence entre une Blonde d’Aquitaine, une limousine et une Charolaise ?

Ce sont des races différentes. La Blonde d’Aquitaine est une bête à grosse morphologie, elle est très lourde. Il faut savoir qu’une Blonde d’Aquitaine en poids carcasse, ça fait entre 400 et 600kg. Il faut multiplier par 2 pour connaitre son poids vivante. A l’abattoir, une bête perds 50% de son poids (les viscères, la peau, la tête, les pieds, ce qu’on appelle 5e quartier, qui corresponds aux abats, le cœur etc) Ensuite, lors de la Dessication, dans les frigos, elle perd encore de son poids, car elle perd de son eau. La Limousine est une bête beaucoup plus petite, et la Charolaise, doit avoir le même gabarit que la Blonde d’Aquitaine, mais sa viande est plus pâle. Pour moi, la Blonde d’Aquitaine est une des plus belle race à Viande avec la Maine Anjou. Les bouchers qui travaillent avec des labels comme moi, on ne fait que des races à viande, contrairement à la grande distribution, qui commercialise des vaches de réforme. C’est à dire des vaches laitières, qui n’en produisent plus assez, qui souvent ont plus de 12 ans et qui sont usées. Certains abattoirs industriels peuvent tuer jusqu’à 400 ou 500 vaches par jour, pour produire des steaks hachés pour toute l’Europe… Alors ça ne parait pas trop cher, mais la mauvaise viande est toujours trop chère.

Boucher, Boucherie, Gilles Huet, Quiberon, Morbihan, viande, maturation

Et en tant que  consommateur, à quoi reconnait-on un bon steak ?

Un bon steak, c’est une viande tendre et goûteuse. Il faut faire attention à son origine, c’est pour ça que les bons bouchers affichent toujours la traçabilité des viandes, et les prix de concours, ça montre qu’on est sélectif. La viande (ndlr de bœuf) doit être d’un beau rouge vif assez foncé, ferme d’aspect soyeux et « persillée », c’est à dire marbrée de gras jaune et tendre, mais la couleur de la chair ou du gras peut varier selon les espèces. Le mieux, c’est de demander à son boucher, si tant est qu’on ait un bon boucher, qui ait fait maturer sa viande correctement. Dans notre label, on n’a pas le droit de la vendre avant 7 ou 8 jours, mais c’est mieux si on attends 15 jours. La viande sera meilleure.

Boucher, Boucherie, Gilles Huet, Quiberon, Morbihan, viande, maturation

Vous avez installé une vitrine de maturation, justement, pourquoi ?

Je ne sais pas si on peut appeler ça une mode, mais c’est au goût du jour de faire de la viande de vitrine de maturation. Cette viande là doit venir d’une bête élevée avec des critères bien définies, car cela va influencer la bonne conservation de la viande. En vitrine, on peut aller de 35 à 100 jours de maturation, ça peut être très long. Moi j’utilise ma Blonde d’Aquitaine, mais je rachète aussi des carrés de côte de bœuf de Black Angus, une race qui vient d’Écosse, ou de Blonde de Galice, une race espagnole. Il existe aussi le bœuf de Kobé, mais c’est réservé à une certaine élite, car c’est très cher. Je laisse ça aux grands spécialistes et restaurants. Le principe de la vitrine, c’est que la viande reste dans un environnement très stable, avec des paramètres bien précis : hydrométrie à 85 % et température à +0,2° constant, avec des pierres de sels et un filtre à charbon, muni d’un ionisateur qui change l’air toutes les 40min. Cette méthode limite les pertes par dessication, car la vitrine reste fermée, contrairement aux frigos qui sont ouverts tout le temps. La viande de maturation coûte plus cher car sur un même morceau, on a plus de pertes. Même si elle rassit plus doucement, elle rassit plus longtemps et il faut parer la viande plus souvent, mais, elle s’enrichit en goût et devient comme un nectar de viande.

Comment voyez vous l’avenir de votre boucherie ?

L’avenir de la Boucherie sera toujours en dent de scie… J’ai la chance ici d’être dans une petite ville au bord de la mer, où les gens viendront toujours en vacances… De manière générale, le nombre de boucheries a considérablement baissé, surtout dans les grandes villes. Prenez Paris par exemple. J’ai travaillé rue des Moines dans le 17e, il devait y avoir entre 15 et 20 boucheries à l’époque, s’il en reste 3 aujourd’hui, sans compter le marché des Batignolles, ça doit être tout. Et dans les années 70, chaque boucherie avait au moins 5 employés… On en est loin aujourd’hui. Il n’y a que les meilleurs qui restent, ceux qui font le summum de la viande. Mais ça a un prix. Alors, les gens qui n’ont pas les moyens vont plutôt en grande surface, où on trouve de la viande de réforme, ou de la viande de provenance étrangère. C’est pour cela que la traçabilité est importante.
Mais vous me demandiez l’avenir de ma boucherie, non ? Je cherche un repreneur, car je suis en âge de penser à la retraite…

Hugo Desnoyers
45, rue Boulard 75014 Paris
28, rue du Docteur Blanche- 75016 Paris
www.hugodesnoyer.com

Le Bourdonnec
4 rue Maurice Bokanowski – 
92600 Asnières
43 Rue du Cherche-Midi – 75006 Paris
172 Avenue Victor Hugo – 75016 Paris
25 rue Ramey – 75018 Paris
http://le-bourdonnec.com/

Boucherie Nouvelle Convention
(Thierry Michaud)

209, rue de la Convention, 75015 Paris

Pascal Huet
15 rue Chante Coq, 92800 Puteaux
4 Place du Général Leclerc, 92150 Suresnes
36 Rue du Maréchal Foch, 78000 Versailles
20 rue de Saint Cloud, 92410 Ville d’Avray
www.boucheriehuet.com

La Boucherie Nivernaise
99, rue du Faubourg-Saint-Honoré
75008 Paris
www.boucheries-nivernaises.com

La Table d’Hugo Desnoyers
33 avenue Secrétan – 75019 Paris

Les Oreilles et la Queue (Chez Boris)
129 rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 Paris
www.lesoreillesetlaqueue.com

L’Amphitryon
127 r Colonel Jean Muller 56100 Lorient
www.amphitryon-abadie.com

Le Petit Hotel du Grand Large
11 Quai Saint-Ivy, 56510 Saint-Pierre-Quiberon
www.lepetithoteldugrandlarge.fr

Je sais que vous vous rendez régulièrement à Paris, que pensez vous des « bouchers star » comme Yves-Marie Le Bourdonnec et Hugo Desnoyers ?

Ils ont eu de la chance, ils ont rencontré les bonnes personnes aux bons moments, et ils arrivent à garder le cap, à force de travail. Ils sont très médiatisés mais ça n’est pas arrivé tout seul : ils font des choses d’une qualité extraordinaire, ils ont donc une superbe clientèle et fournissent de grands restaurants. J’ai la chance de les connaître un peu, ce sont des gens très bien ! Mais il n’y a pas qu’eux. Il y a beaucoup de très bons bouchers moins médiatisés. Certains sont Meilleurs Ouvriers de France, ou au Syndicat de la Boucherie. Ils font beaucoup pour le métier, comme Thierry Michaud, rue de la Convention par exemple, ou Pascal Huet dans l’ouest parisien, avec qui je n’ai aucun lien de parenté, contrairement à ce qu’on pourrait penser. Il faut qu’il y ait des petits et des grands, comme partout.

Alors oui, ils pratiquent des prix plus élevés que la moyenne, mais les produits qu’ils proposent aussi sont supérieurs à la moyenne. Ils font parler de la Boucherie Française, ils participent à sa renommée mondiale (ndlr Desnoyer s’implante au Japon) et la tirent vers le haut. Rien que pour ça, c’est bien qu’ils soient là. Ceux qui disent le contraire sont jaloux.

En dehors de votre boucherie, où avez vous mangé la meilleure viande de votre vie ?

Chez Hugo Desnoyers, justement, dans son nouveau restaurant de la Halle Secrétan. La déco est drôle, il y est allé à fond avec des peaux de vaches partout. On y mange très bien, on se souvient de la note aussi, mais cela vaut vraiment le coup. La carte des vins est impressionnante, et surtout il a une superbe viande de maturation. Tous les détails sont pensés, jusqu’aux amuse-bouche avec des réductions de queue de bœuf ou du veau, c’était très bon !!! Je m’en souviens encore !

Chez Boris Leclerc aussi ! Il a un superbe restaurant de viande rue du Faubourg Saint Honoré. Sa viande vient de la Boucherie Nivernaise de Monsieur Bissonet, un sacré Monsieur aussi. Il fournit l’Élysée depuis des décennies ! Ces gens là œuvrent tous au développement de la boucherie de qualité.

La question pour les gourmands : une bonne adresse de table ?

En Bretagne, on a pas mal de bonnes tables. Il y a l’Amphitryon à Lorient ou Le Petit Hotel du Grand Large sur la Presqu’île, à Portivy. Ce sont, pour moi les deux meilleurs restaurants du coin. Ils sont étoilés, me direz-vous, je ne prends pas trop de risques à les conseiller Je ne dis pas que les autres ne sont pas bien, mais je les ai pratiqués souvent et je connais bien les chefs Jean-Paul Abadie et Hervé Bourdon. J’imagine qu’il y en a d’autres très bien, mais je ne vais pas si souvent au restaurant, il me faudrait plus de temps pour les connaître tous.

 

Si vous êtes à Quiberon, ou que vous y passez, vous pouvez retrouver Gilles Huet dans sa boucherie au 44 Rue de Verdun, 56170 Quiberon

 

 

Laisser un commentaire