Cécile le Galliard est oléologue et web-journaliste spécialisée dans l’huile d’olive. Son métier l’emmène aux quatre coins du monde à la rencontre des producteurs d’huile d’olive. Elle partage sa passion sur jusdolive.fr : une mine d’informations, aussi bien pour les amateurs que pour les professionnels, qui est devenue en peu de temps une référence en la matière. Rencontre.
Comment définirais-tu ton métier ?
Je suis oléologue. C’est l’équivalent de l’œnologue pour le vin mais pour l’huile d’olive, on appelle ça aussi sommelier en huile d’olive ou expert en dégustation.
Comment t’est venue cette passion pour l’huile d’olive ?
J’ai longtemps habité et travaillé en Espagne, où il n’y a pas vraiment d’autre matière grasse que l’huile d’olive. Je pense que c’est là que j’ai pris goût au produit. Quand je suis revenue en France, j’avais dans l’idée de distribuer de l’huile d’olive… mais pas seulement : du jambon et du vin aussi. J’ai commencé par visiter des moulins un peu partout, en Espagne, au Portugal et en France aussi. Mais une fois que j’ai mis le pied dans l’huile d’olive, je n’en suis jamais ressortie.
Et c’est uniquement l’huile d’olive, il n’y a aucune autre huile végétale qui te passionne ?
Qui me passionne, non !! Il n’y a vraiment que l’huile d’olive qui m’intéresse, pour son aspect aromatique et nutritionnel. Mais quand on se penche sur l’aspect santé des huiles, comme aucune huile n’est parfaite, c’est bien de les mélanger. Et là il y a d’autres huiles intéressantes, comme le lin, le chanvre et l’argan. Mais d’un point de vue sensoriel, l’huile d’olive est la seule à avoir un intérêt : c’est la seule qui présente des arômes.
A quoi faut-il faire attention quand on choisit une huile d’olive ?
Il faut qu’elle soit vierge extra et en première pression, c’est à dire qu’elle a été pressée par un procédé mécanique ou physique, sans altération par de hautes températures ou des solvants comme cela peut être le cas dans des huiles à base de graines. Je regarderai aussi la date de production, quand c’est possible, cela donne la date de pression ou du moins de mise en bouteille.
Il est donc important de consommer l’huile dans l’année ? Ça ne se conserve pas comme un vin ?
C’est ça ! En terme de conservation, on est plus proche d’un jus de fruit que d’un vin. Dans le vin, il y a un procédé de fermentation, alors que pour l’huile, au contraire, il ne faut surtout pas qu’il y ait de fermentation ! Une huile se conserve généralement entre 12 et 18 mois. Cela varie selon les variétés d’olives. Quelques unes vont jusqu’à 24 mois mais au delà elle rancit.
Comment choisit-on une huile quand on ne peut pas la goûter ?
On peut regarder les AOP et AOC, qui ont un cahier des charges très précis. On peut regarder les concours aussi, où les huiles ont été dégustées par des experts. Parfois, l’étiquette mentionne si elle est fruité vert, noir ou mûr. Le fruité vert indique des notes herbacées et végétales, le fruité noir un goût d’olive noire et le fruité mur des arômes de fruits, qui peuvent aller de la banane à la pomme, mais aussi vers les fruits secs, on retrouve souvent de l’amande.
Et la couleur d’une huile indique quelque chose ou pas du tout ?
Non, pas du tout. La couleur dépend de la variété de l’olive et de sa maturité au moment de la récolte, mais ça ne donne aucune idée sur son goût ou sur sa qualité. Le fait qu’elle soit plus brillante ou plus opaque indique si elle a été filtrée ou pas. C’est intéressant pour un chef de voir la couleur. Mais qu’elle soit vert émeraude ou jaune n’a aucune incidence sur sa fraîcheur. Dans les jurys d’experts, on déguste d’ailleurs les huiles dans des verres opaques bleus, pour ne pas être influencé par l’aspect visuel d’une huile.
On dit d’une huile d’olive qu’elle est Vierge quand elle est obtenue par pression du fruit de l’olivier uniquement par des procédés mécaniques ou physiques dans des conditions, thermiques notamment, qui n’entraînent pas d’altération de l’huile, et quand elle n’a subi aucun traitement autre que le lavage, la décantation, la centrifugation et la filtration. Une huile d’olive vierge est donc forcément pressée ou extraite à froid (maximum 27°).
La mention Vierge Extra indique que l’huile a une l’acidité libre (exprimée en acide oléique) au maximum de 0,8 gramme pour 100 grammes. C’est un paramètre chimique qu’on ne peut pas percevoir en dégustation et qui est un gage de qualité et de fraîcheur de l’huile. Mais cela signifie aussi qu’elle montre une absence de défaut organoleptique.
La mention Vierge, seule, indique soit une acidité plus élevée (entre 0,8 et 2g pour 100g) soit un léger défaut sensoriel.
Est ce qu’on peut trouver des bonnes huiles d’olive en supermarché ?
Les maisons comme Maille, Puget ou Lesieur essayent d’avoir des produits standards corrects. Mais on ne trouvera pas des huiles « gourmet ». Il vaut mieux aller dans des bonnes épiceries, dans les rayons gourmets des grands magasins. J’ai rarement vu des huiles de grande qualité en supermarché. Chez Monoprix, qui se veut plus haut de gamme, on trouvera parfois des huiles de meilleure facture. Mais la qualité d’une huile ne dépend pas que du producteur. Elle dépend aussi du distributeur et des conditions de transport et de stockage. Sous les néons, avec la chaleur, si il n’y a pas une forte rotation des produits, l’huile peut rancir très vite. Et le problème ne se pose pas qu’en supermarché. Il y a de très jolies boutiques spécialisées dans d’huile d’olive où tout est exposé à la vue… Alors qu’il ne faudrait pas ! C’est un produit sensible à la lumière, à la chaleur et à l’oxygène.
Du coup, il vaut mieux choisir des huiles en bidon qu’en bouteille ?
Pas forcément, les bidons en fer blanc, ceux qui sont légers, c’est bien, mais il y a des bouteilles en verre opaque.
Quelle huile d’olive choisirais-tu pour la cuisson ? Est-ce que c’est une bonne idée d’utiliser les huiles que l’on trouve en supermarché, et de garder les huiles « gourmet » pour des utilisations crues ?
Oui, c’est parfait. Il faut la choisir Vierge Extra, toujours. En fait toutes les huiles végétales ont ce qu’on appelle « un point de fumée ». C’est à dire le degré à laquelle elles se dégradent et deviennent cancérogènes. Toutes les huiles ont un point de fumée différent en fonction de leur composition. Les plus résistantes sont celles qui ont été raffinées. C’est un procédé industriel qui détruit les impuretés mais aussi les pigments, les anti-oxydants et les arômes. Mais les huiles vierge extra, qu’on les trouvent en supermarché ou non, ont un point de fumée autour de 190°. Comme la majorité des cuissons se font en dessous de 180°, rien n’empêche d’utiliser une huile « gourmet ».
La Tête dans les Olives
10 rue Sainte Marthe, 75020 Paris
54 rue du Couëdic, 75014 Paris
www.latetedanslesolives.com
Kalios
mykalios.com
Profil Grec
5-7 rue de Savies, 75020 Paris
www.profilgrec.com
Que penses-tu des huiles qui cartonnent en ce moment et que l’on voit un peut partout, en tout cas à Paris, comme Kalios, Profil Grec, ou de la Tête dans les Olives ?
J’aime beaucoup la démarche de Cédric (NDLR Cédric Casasonva de la Tête dans les Olives). Il va en Sicile, et il connaît tous ses producteurs. Il vend son huile en bouteille ou en vrac, et on peut la goûter, et ça c’est une démarche très sympa et plutôt rare ! Kalios, je sais qu’ils cartonnent, mais je ne n’ai toujours pas goûté leurs huiles. Ils ont une jolie démarche marketing, ils ont eu la bonne idée d’aller démarcher directement les chefs. Ça c’est très malin parce que les chefs sont d’excellents prescripteurs. Mais je ne connais pas le produit. Quant à Profil Grec, je ne connaissais pas jusqu’à cette semaine (NDLR l’interview s’est déroulée au courant du mois de mai). Je sors tout juste de l’ouverture de leur showroom/boutique, où on a dégusté 4 “cuvées” de la variété Koroneiki de la région de Kalamata. Ce sont de très bonnes huiles, le packaging est sympa et c’est un beau projet.
(NDLR Alexandre Rannis, le fondateur de Profil Grec, ramène des produits de Grèce, du miel, de la féta, des agrumes d’exception de différents producteurs, mais surtout son huile d’olive, produite dans la région de Kalamata. Sa démarche consiste à travailler les oliveraies de manière traditionnelle, en récoltant les olives à la main, mais surtout en identifiant les différentes parcelles selon la nature des sols, leur exposition au soleil et les dates de récolte.)
Où peut-on trouver de bonnes huiles d’olive, en dehors de chez eux ?
Assez facilement en fait, dans les épiceries. En France, on a une toute petite production, donc il est fréquent que les producteurs fassent de la vente directe. Mais on trouvera facilement de très bonnes huiles dans les épiceries italiennes, grecques ou portugaises. J’ai été surprise par le rayon de la Grande Épicerie. Il y a une très grande sélection, assez pointue, avec notamment de très belles huiles françaises. Et puis il y a internet bien sûr. Il existe aujourd’hui des sites spécialisés, mais il y a aussi les petits producteurs étendent parfois leur vente au web, notamment ceux qui gagnent des prix.
Tu parles de Médailles et de Labels, mais est-ce que ça a encore une valeur ? On a pu voir, pour le vin notamment, que c’était surtout du marketing… (NDLR En autre dans le documentaire de Donatien Lemaitre, diffusé l’an dernier sur Canal + “Vins français : la gueule de bois”).
En France, il y a le Label du concours général agricole, j’y ai participé cette année, j’ai vu comment était faite la sélection et c’est très carré, très bien fait, c’est un gage de qualité. Il y a les Ovalies aussi. C’est un jury de 3 experts en dégustations. Tout le monde ne peut pas être jury… Et il en va de même pour les concours internationaux. Il n’y a pas de problème de légitimité pour ces concours. Quant aux médailles, il y en a un nombre restreint. Elles sont divisées en catégories selon le fruité et l’intensité de l’huile avec une catégorie spéciale pour les huiles bio, et elles sont aussi attribuées par des experts, dans des dégustations « à l’aveugle » (verre opaque, identification par code barre…).
Comment fait-on pour devenir Oléologue/Expert en huile d’Olive ?
Il existe plusieurs formations. En France c’est le diplôme universitaire d’oléologie ou DUOL à l’Université de Montpellier. Personnellement, j’ai été formée à Jaén, en Espagne, où j’ai été sélectionnée par le Conseil Oléicole International pour suivre la formation d’expert en dégustation d’huiles d’olive vierges. Ensuite, c’est la pratique, ça se travaille, comme pour un sommelier. Il faut voyager, rencontrer des producteurs, goûter des huiles, partout, pour former son palais.
Est-ce que tu as une huile d’olive favorite, ou ton métier t’interdit d’avoir des chouchous ?
Non, non, non, mais c’est assez difficile d’avoir des favoris. Je découvre tout le temps des choses intéressantes et je rencontre toutes les semaines des producteurs qui travaillent très bien et qui ont de très belles huiles. Une huile m’intéresse à partir du moment où elle est vierge extra, qu’elle est bien travaillée et qu’elle est complexe. C’est à dire qu’il y a plusieurs arômes en bouche, elle permet alors de faire plein de choses en cuisine. Ces derniers temps, je découvre plein de jolies choses au Portugal, où ils ont des variétés très intéressantes, et où ils travaillent bien. En Grèce aussi… Partout en fait ! Dans toutes les variétés d’olives ! Mais c’est difficile comme question !! Il faudrait avoir au moins une huile dans chaque fruité chez soi pour vraiment s’amuser avec l’huile d’olive en cuisine. Mais n’en citer qu’une, ou même deux, je ne peux pas, il y en a trop qui me viennent en tête.
Coté santé ? Quelle est la juste quantité d’huile d’olive à consommer ?
Il faut consommer 40ml par jour, ce qui n’est pas beaucoup. Cela correspond à 3 ou 4 cuillères à soupe. Dans les apports quotidiens conseillé par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation) pour une personne en bonne santé, qui ferait du sport, il faudrait que 30% de ses apports journaliers conseillés soient des lipides, et que 60% d’entre eux soient des oméga 9 (l’huile d’olive en fait partie), les 40% restants devant combler les apports en oméga 3 et 6, et en acides gras saturés. Mais il faut essayer de limiter les acides gras saturés (graisses animales, huile de palme, de coco etc…) que l’on consomme en excès. Et en ce qui concerne les risques de maladies cardio-vasculaires, il faut savoir que l’huile d’olive a l’avantage de faire augmenter le bon cholestérol et chuter le mauvais. Ce n’est pas une légende.
Comment se passe une dégustation d’huile ?
La première étape, c’est le nez, on sent l’huile, c’est ce qu’on appelle l’olfaction directe, qui permet de déterminer si l’huile a un défaut, à quel type de fruité on a affaire et l’intensité. Ensuite on goûte, on va faire attention à ce qu’on appelle le rétro-nasal : c’est la deuxième action du nez. Comme pour le vin, les arômes remontent par l’arrière du palais. La salivation et la chaleur vont faire remonter les arômes secondaires que l’on n’a pas senti au nez. C’est à ce moment là qu’on va faire attention à l’amertume et au piquant dont je parlais tout à l’heure. On juge donc le fruité, l’harmonie, la complexité et l’intensité, puis l’amertume et le piquant.
La question que je vais poser à tous les gourmands : Quel est ton restaurant favori ?
La Gourmandine,, près de chez moi dans l’Ariège. C’est un restaurant familial, où la chef cuisine de manière créative et fait des glaces maisons…
La Gourmandine, Place de l’Allée , 09140 Seix
Quels sont tes projets ?
J’ai coécrit un livre avec Alice Alech sur les relations entre l’huile d’olive et la santé. Il sortira en janvier 2017, aux Etats Unis : The seven wonders of olive oil. La rentrée 2016 et 2017 seront sous le signe des formations et de l’organisation d’un concours de dégustateurs en France, en collaboration notamment avec Savantes. Je suis aussi en train de refaire mon site. Et puis, je vais continuer bien sûr à diffuser et promouvoir la culture oléicole en France !
Pour plus d’informations sur l’huile d’Olive et sur les formations oléicoles que proposent Cécile : jusdolive.fr
et www.facebook.com/jusdolivemagazine/
Bonjour mon Pere est producteur d’huile d’olive et aimerait des conseils pour améliorer son résultat ou puis-je m’adresse ou à qui merci
Contactez Cécile le Galliard, elle est maitrise parfaitement le sujet ! Vous pouvez lui envoyer un mail via son site : http://jusdolive.fr/contact/ ou cecile@jusdolive.fr